Harcèlement moral : Accuser à tort vaut désormais « faute grave »

Jadis véritable « parcours du combattant » pour être mis à jour, le harcèlement moral en entreprise est aujourd’hui reconnu, et de plus en plus dénoncé depuis que, entre autres, le « régime de la preuve » a été largement assoupli à la faveur des salariés.

Devenues monnaie courante, les accusations de harcèlement moral ne sont pas toujours fondées pour autant. Mésentente avec sa hiérarchie, conflit personnel mal vécu avec un collègue… Il arrive qu’un salarié se sente harcelé à tort. Parfois, en revanche, l’accusation infondée n’est pas issue d’une simple erreur d’appréciation toute pardonnable, mais résulte d’une véritable volonté de nuire. Attention, le salarié risque alors très gros, comme l’illustre cet arrêt récent de la Cour de cassation (cass. soc. 28 janv. 2015, n°13-22.378)

Dans cette affaire, l’arrêt est tombé comme un couperet : désormais, l’accusation infondée de harcèlement moral peut être passible de licenciement pour faute grave, dès lors qu’elle a été menée sciemment.

Entre « erreur d’appréciation » dont on ne tiendra pas rigueur au salarié et « accusation mensongère » qui pourra lui coûter son poste, la frontière est ténue…

Licenciée pour accusation mensongère de harcèlement moral

Une employée d’exploitation d’une société de transports touristiques en car a été licenciée pour faute grave après avoir dénoncé des faits de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique. La salariée se plaignait notamment de son comportement coléreux, irrespectueux et insultant. Jugeant ses accusations mensongères, l’employeur l’a licenciée
pour faute grave.

La salariée a saisi les juges prud’homaux pour obtenir des dommages-intérêts pour harcèlement, manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat et à son obligation de protection contre les agissements répétés de harcèlement moral.

La Cour de cassation a donné raison aux juges du fond, ayant débouté la salariée de toutes ses demandes, au motif que « les seuls faits de nature à laisser présumer l’existence d’un harcèlement étaient justifiés par des raisons objectives étrangères à tout harcèlement et que le syndrome anxio-dépressif, en l’absence de constatations médicales antérieures au licenciement, était insuffisant à caractériser une situation de harcèlement moral et s’expliquait par des problèmes d’ordre personnel ».

L’employeur était donc parfaitement en droit de licencier la salariée pour faute grave, a estimé la Cour de cassation, qui a jugé condamnable le fait de « dénoncer à l’encontre de son supérieur hiérarchique, de façon réitérée, de multiples faits inexistants de harcèlement moral ne reposant, pour la grande majorité d’entre eux, sur aucun élément, qu’il s’agisse des faits ou des propos dénoncés, s’en tenant à des accusations formulées pour la plupart en termes généraux, et précisé qu’il ne s’agissait pas d’accusation ayant pu être portées par simple légèreté ou désinvolture mais d’accusations graves réitérées, voire calomnieuses et objectivement de nature à nuire à leur destinataire ainsi qu’à l’employeur, accusé de laisser la salariée en proie à ce prétendu harcèlement en méconnaissance de ses obligations d’assurer sa sécurité et de préserver santé ».

En d’autres termes, cet arrêt sanctionne clairement la mauvaise foi de la salariée.

Le code du travail a beau préciser qu’un salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés, la Cour de cassation précise bien que le seul bémol à cette règle est la mauvaise foi du salarié, « laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ».

Le salarié peut donc bien être sanctionné, s’il est avéré qu’il a fait preuve sciemment de mauvaise foi.

Mauvaise foi qui, rappelons-le, ne peut être caractérisée que s’il est rapporté l’intention (du salarié) de « destabiliser l’entreprise » (cass soc. Du 6 juin 2012 – n° 10 28 235).

Télécharger en version imprimable ici  (coupure Gazette du Midi - 30/03/2015)

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