Maladie : Gare au « Délit de zèle »

« Travailler plus pour gagner plus »… le slogan date un peu, mais a marqué les esprits.

La jurisprudence récente de la Cour de cassation nous rappelle que cette formule politicienne « accrocheuse » n’est mathématiquement pas toujours exacte, et surtout, ne doit pas devenir un mantra absolu… un salarié vient d’en faire l’amère expérience.

Le 25 juillet 2011, le salarié, cariste au sein de la société de logistique alimentaire ITM, prend son poste à trois heures du matin.

Après avoir renversé deux palettes de crème fraîche en moins d'une heure, sa hiérarchie l’interroge sur les raisons de ces maladresses inhabituelles.

Le salarié (bien moins frais que les crèmes qu’il transporte) se trouve dans un état de léthargie apparent. Il tient des propos incohérents, mais prétexte qu’il suit un traitement qui « l’assomme ».

L’employeur, « proactif » comme il se doit conformément à son obligation de sécurité de résultats :

  • lui suspend provisoirement son permis de conduire des engins,
  • l’affecte sur un autre poste, moins dangereux, à titre de mesure de prévention,
  • et le convoque à un entretien préalable à licenciement.

Lors de l’entretien, le salarié va reconnaître s’être rendu compte qu’il n’était pas dans son état normal, mais que, pour des raisons financières, il n’avait pas voulu se mettre en arrêt de maladie "pour ne pas perdre les trois jours de carence".

Le salarié se voit notifier ainsi un licenciement pour faute grave, au motif qu’il avait contrevenu au règlement intérieur de la société rappelant au personnel l'obligation de prendre soin de sa sécurité et de sa santé, mais aussi de celle des autres personnes.

Le code du travail impose en effet à chaque travailleur de "prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail" (article L.4122-1).

Le salarié va quand même contester cette mesure de licenciement, estimant que le « malaise » dont il a été victime sur son lieu de travail ne peut constituer une faute. Il demande donc la nullité de son licenciement, prétendant avoir été licencié en raison de son état de santé, motif discriminatoire selon l'article L.1132-1 du code du travail.

Si la Cour d’appel de Riom requalifie son licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, elle confirme le bien-fondé de la mesure, position qui elle-même, sera confirmée par la Cour de cassation (Cass.soc. 12/10/2017, n° 2016-18.836).

Selon la Haute Cour, « le salarié n'avait pas été licencié en raison de son état de santé mais pour avoir continué à travailler sachant qu'il n'était pas en état de le faire. ». Ce n’est donc pas son l'état de santé qui était en cause, mais bien la poursuite de son travail, qui, à lui seul, mettait en danger sa santé et celle des autres salariés.

Qu’on se le tienne pour dit : lorsqu'il ne demande pas d'arrêt de travail alors que son état de santé l'empêche d'accomplir celui-ci en toute sécurité, le salarié se met lui-même et ses collègues en danger, et s'expose à un licenciement pour faute.

Notons également que la Cour de cassation rejette aussi l’argument du salarié estimant avoir été sanctionné deux fois pour les mêmes faits, ayant subi un changement d'affectation du fait de la suspension de son autorisation de conduire puis un licenciement pour faute.

Selon la Haute Cour, la suspension de l'autorisation de conduire et le changement d'affectation n'étaient pas une sanction, mais des mesures temporaires prises dans l'intérêt de la sécurité des salariés. L'employeur pouvait donc valablement prendre ces mesures préventives, puis licencier le salarié pour faute.

« Le travail, c’est la santé » chantait Henri Salvador… Parfois, « ne rien faire » c’est aussi la (les) conserver.

 Télécharger en version imprimable ici  (coupure Gazette du Midi - (31/01/2018) 

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