Relations amoureuses au travail :
​​​​​​​Sphère privée sanctualisée ?

-

L’amour est (peut-être) dans le pré, mais surtout dans les bureaux : 10% des Français ont rencontré leur conjoint sur le lieu de travail selon une étude Randstad et 62% des salariés ont déjà entretenu une relation amoureuse avec un collègue selon un sondage de Pagegroup.
Ces chiffres, surtout le dernier, illustrent l'importance du sujet … le mythe du French Lover est bel et bien une réalité et un casse-tête pour les RH qui :

  • D’un côté ne doivent nullement interférer dans la vie amoureuse du salarié relevant de sa vie privée,
  • Et de l’autre, doivent rester vigilants en cas d’impact de la relation (et surtout de la rupture) entre collègues de travail sur la vie de l’entreprise.
Deux affaires récentes témoignent de cette complexité.

La première concerne un salarié occupant les fonctions de directeur des partenariats et des relations institutionnelles, membre du comité de direction de l’entreprise.
Il noue une relation amoureuse en dehors de la sphère professionnelle avec une collègue de travail qui finit par lui faire part de son intention de limiter leurs échanges à un cadre strictement professionnel.

Le directeur cherche à obtenir des explications auprès d’elle. La salariée se rapproche alors de son manager et du médecin du travail, qui constate, au vu de la réception de nombreux messages insistants, que la situation a généré une souffrance au travail.

L’employeur, ainsi alerté, a estimé que le comportement du directeur, sur le lieu et le temps de travail, faisait courir un risque sur la santé et la sécurité de la salariée victime de ses agissements, et constituait un manquement à ses obligations contractuelles.

Le directeur est licencié pour faute grave, ce qu’il conteste.
Il fait valoir 3 arguments :
  • Il justifie de 32 ans d’ancienneté et d’un dossier disciplinaire vierge.
  • Il n’a utilisé qu’une seule fois la messagerie professionnelle pour obtenir des explications de la part de sa collègue,
  • Et, surtout, sa tentative d’obtenir des explications à un dépit amoureux relève de la vie privée, et ne constitue donc pas un manquement à une obligation contractuelle.

Tour à tour, la Cour d’appel de Paris (20 avril 2023, n° 20/04108) et la Cour de cassation (Cass.soc.26-3-2025, n°23-17.544) écartent ces arguments.
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051399852/


Pour la Haute Cour, le comportement du salarié, bien que s’inscrivant initialement dans la sphère privée, a eu des répercussions directes sur le climat professionnel et était de nature à porter atteinte à la santé psychique de sa collègue, « peu important qu’elle ne soit pas sous sa subordination directe ». 
Selon les hauts magistrats, le salarié a franchi la ligne rouge entre vie privée et vie professionnelle, en continuant à solliciter sa collègue via les outils professionnels malgré son refus, engageant ainsi sa responsabilité contractuelle.
Selon la Cour de cassation, son comportement « pressant » a constitué un manquement à son obligation de sécurité, l’arrêt est d’ailleurs rendu au visa de l’article L.4122-1 du code du travail, selon lequel chaque salarié doit prendre soin de sa santé, de sa sécurité et de celles de ses collègues sur le lieu de travail.

Morale de cette histoire : l’obligation de prévention des risques psychosociaux prime sur le principe de la protection de la vie personnelle.

Plus récemment, la Cour de cassation a pourtant rappelé avec force la sanctuarisation de la sphère intime. (Cass. soc. 4-6-2025, n°24-14.509)

L’affaire concernait une salariée, Responsable des Ressources Humaines, licenciée pour faute grave, moins d’un an après son embauche, par la directrice générale de l’entreprise.
Il lui était reproché dans la lettre de licenciement un certain nombre de manquements dans l’exécution de ses missions.
Toutefois, pour la Cour de cassation, il y a « un loup »… le licenciement est fondé sur des motifs fallacieux, puisqu’il repose en réalité sur la relation amoureuse découverte par la directrice générale entre son mari, président de la société, et la responsable RH.
La Haute Cour considère alors que l’employeur a porté atteinte à la vie privée de la salariée, et par là-même à une liberté fondamentale.
Elle va faire preuve d’une plus grande sévérité que les Juges de la Cour d’appel pour qui le licenciement pour faute grave devait être requalifié comme sans cause réelle et sérieuse.
La Cour de cassation estime en effet qu’en raison de la violation d’une liberté fondamentale, il y a lieu d’annuler purement et simplement le licenciement, avec toutes les conséquences financières que cette nullité entraine.
​​​​​​​

Au vu de ces deux décisions, la vigilance et la prudence sont donc de mise quand Cupidon s’invite dans les bureaux !

Commentaires

Rédigez votre commentaire :

<% errorMessage %>
<% commentsCtrl.successMessage %>
<% commentsCtrl.errorMessage %>

Les réactions des internautes

a réagi le

<% comment.content %>

  • a réagi le

    <% subcomment.content %>

Répondre à ce fil de discussion
<% errorMessage %>
Aucun commentaire n'a été déposé, soyez le premier à commenter !